Pudeur et élégance du roman « La maison au toit rouge » de Kyoko Nakajima : un voyage au Japon du milieu du XXème siècle

« J’aperçus un peu plus loin une ombrelle qui tournoyait. Elle était en lin blanc, bordée de soie. Je m’arrêtai soudain, car j’avais cru entendre la femme en robe vert jade à qui elle appartenait réciter le début du poème de Yosano Akiko :

A Kamuka

Je sais, c’est une grande divinité

Que ce Bouddha de bronze

Abritée par les ombrages d’été, j’observai les alentours. Stupéfaite, je vis le petit Kyoichi en culottes courtes. Il courait vers le Grand Bouddha. Même si Monsieur m’en avait donné la permission, je ne voulais pas être découverte en train de me promener. » page 124, Edition Roman Seuil

Taki raconte son histoire de servante chez la famille Hirai qui a pour lieu principal la maison au toit rouge de style occidental que M. Hirai, sous-directeur d’une entreprise de jouets, a fait construire à Tokyo pour sa femme, Tokiko.

Taki relate son quotidien dans le foyer de Tokiko tandis qu’elle s’occupe de Kyoichi, le fils de celle-ci et de toutes les taches ménagères de la maison. Ce sont des années de bonheur qui vont progressivement changer avec la préparation de la guerre et la montée en puissance de l’armée. Elle évoque l’amour platonique entre les époux Hirai puis les sentiments de Tokiko pour un jeune dessinateur de la fabrique de jouets, Itakura mais on ne sait pas jusqu’où ira cet amour car le récit est plein de retenue, de pudeur et de respect de Taki pour sa très jeune et très belle patronne.

Après la mort de Taki, son neveu découvre le cahier de sa tante et des dessins d’une maison au toit rouge qui ont fait le succès d’un artiste connu après la guerre, un certain Itakura…Taki n’a pas tout raconté et l’on sent dans son récit la douleur et surtout les regrets qu’elle porte encore.

Ce récit, très lent, très doux et tout en finesse est vraiment très attachant. Les scènes de la vie quotidienne nous plongent dans un passé qui paraît vraiment très lointain. Toutefois, certaines questions sur l’homosexualité ou bien l’égalité homme femme sont traitées de façon très intéressante :

« Entre un homme et une femme, suivre la voie de l’amour est assurément le trajet le plus direct pour un être humain, mais une deuxième voie doit pouvoir exister. Et même une troisième, celle qui permet à ceux qui, faute d’avoir su obtenir l’amour de l’être cher, consacrent toute leur énergie à leur travail, malgré leur solitude. La vie de tout être humain doit suivre une de ces voies, et peu importe que ce soit la première, la deuxième ou la troisième, tant que cela permet d’avancer courageusement, avec le désir de contribuer à l’univers, sous quelque forme que ce soit, en se développant dans la beauté et la bonté. » page 174, Edition Roman Seuil : il s’agit d’un extrait d’un roman de Yoshika Nobuko, une des premières femmes de lettres japonaises à ne pas cacher son homosexualité.

Le roman a été adapté au cinéma en 2014 et il a obtenu l’ours d’argent de la meilleure actrice au festival de Berlin.