Quelques jours à Tallinn : immersion dans l’histoire politique avec le best-seller Purge

Avant et/ou pendant chaque voyage, je lis un ou plusieurs livre(s) d’auteurs du pays où nous allons.

Pour préparer notre séjour à Helsinki et à Tallinn, j’ai choisi notamment le livre Purge de Sofi Oksanen qui m’a énormément plu et beaucoup marquée.

Il s’agit d’un best-seller dans les pays nordiques qui a été écrit en 2008. Il a obtenu plusieurs prix en France.

Sofi Oksanen est née en Finlande d’une mère estonienne et d’un père finlandais en 1977. Encadré de longs cheveux noirs dans lesquels d’immenses dread-locks roses ont pris place, son visage laisse deviner une personnalité hors du commun. Elle a un petit côté gothique.

Lorsqu’on commence le roman, il est très dur de le lâcher. Dès les premières pages, on est plongé dans un petit village estonien dans lequel vit Aliide, une vieille dame détestée de ses voisins qui vit seule avec ses peurs. Elle est dérangée par la visite d’une très jeune femme, Zara, qui semble revenir d’un autre monde et qu’on croit d’abord russe. On va apprendre petit à petit l’histoire de ces deux femmes de deux générations différentes grâce à des allers et retours dans le passé. On plonge alors dans l’histoire mouvementée de la petite république balte. On apprend énormément de choses sur l’occupation allemande, sur celle des russes et de l’Armée rouge, sur les dénonciations et la collaboration, sur les arrestations arbitraires, sur les kolkhozes, sur les violences qu’ont endurées les femmes dans le passé et sur celles qu’elles subissent encore de nos jours. Il est question aussi de jalousie entre sœurs, de secrets de famille, de peur et de honte.

Ce livre est plein de rage et d’expiation. Il fait souvent froid dans le dos car la vie dure des protagonistes est décrite sans détour. Certaines scènes sont insoutenables et on souffre. Le livre a un rythme assez rapide mais on arrive toujours à la description du pire après de nombreuses explications sur le contexte historique et politique si bien qu’on est en quelque sorte prêt à entendre ce pire indescriptible mais pourtant si bien relaté par l’auteur.

Purge est un roman tout simplement remarquable et on comprend pourquoi il a reçu 14 prix.

Il agit un peu comme le film de Florian Henckel von Donnersmarck, La Vie des autres, dont j’ai parlé dans ce blog (Cf. l’article Quelques jours à Berlin : immersion à l’Est). Il est captivant mais aussi très dérangeant.

J’ai choisi deux extraits qui m’ont particulièrement marquée :

– dans le chapitre « 1939-1944, Estonie occidentale » :

« Ingel avait raison. Elles tinrent le coup, le pays tint le coup, et le libérateur arriva. Les Allemands marchèrent dans le pays, repoussèrent du ciel la fumée des maisons en feu, le nettoyèrent pour lui rendre sa couleur bleue, la terre se fit plus noire, les nuages plus blancs. Hans put rentrer à la maison, et lorsque leur cauchemar se termina, un autre commença. »

– dans le chapitre « 1952, Estonie occidentale » :

« L’odeur du chloroforme flottait par la porte. Dans la salle d’attente, Aliide se cramponnait à un numéro tout corné de Femme soviétique, où Lénine était d’avis que la femme, dans le capitalisme, est doublement soumise, esclave du travail ordinaire du capital et du travail domestique. (…) Aliide prenait les mots comme ils venaient, en essayant de faire abstraction de ses élancements à la mâchoire : Ce n’est qu’en Union soviétique et dans les démocraties populaires que la femme travaille en toute camaraderie au coude à coude avec l’homme dans tous les domaines, aussi bien l’agriculture ou le transport que dans le domaine de l’éducation et de la culture, et prend part activement à la vie politique et à l’administration de la société. »